Ardent Trouvère

Le feu sans artifices

Le Trouvère - Jonas Kaufmann et Anja Harteros
1 juillet 2013: Avec ses moments de pure gloire vocale, l'événement du festival d’opéra de Munich est bien Le Trouvère, de Giuseppe Verdi.
La diffusion de la Première du 27 juin sur la Radio Bavaroise a permis de découvrir l’incandescence lyrique de la nouvelle production.
C’est là qu’on attendait le premier Manrico de Jonas Kaufmann et le souffle verdien du couple qu’il forme avec Anja HarterosComme toujours, l’immédiateté de la séduction du timbre auquel le ténor allemand ajoute l’aigu brillant et le céleste pianissimo résonne comme une évidence. Et Anja Harteros incarne une divine Leonora de grande intensité. Tous deux insufflent ardeur et désespoir à leurs personnages, sans pathos démesuré. Une longue ovation et des grondements de pieds ont salué la performance inoubliable de ce duo mythique en devenir. 

Avec de tels interprètes, le pouvoir de la musique relègue au second plan cette histoire indigeste, succession de bourdes et loi du talion causant bien du tracas à tous les personnages. Le drame se joue dans l’Espagne du XVe siècle. Le Comte de la Luna et Manrico vont s’affronter jusqu'au funeste dénouement de dernière minute où ils apprendront qu’ils sont frères.

Azucena (Elena Manistina) et son fils Manrico (Jonas Kaufmann)
L’intrigue 
Dans un lointain passé, la gitane Azucena dérobe le bébé du père du Comte de la Luna. Le vieux tyran brûla la mère de la gitane sur le bûcher, par méprise, pensant qu'elle avait jeté un sort à son deuxième fils et provoqué sa mort brutale.
Pour se venger, Azucena croit jeter le second héritier dans les flammes mais, accès de folie ou distraction inconcevable, c’est son propre enfant qu’elle immole par le feu. Dès lors, elle élève l’héritier épargné comme son propre fils, dans le secret. 


Leonora et Manrico
Au début de l’opéra, Manrico (Jonas Kaufmann) devenu adulte et trouvère et de surcroît rival malgré lui du Comte de la Luna (Alexey Markov), amoureux éconduit de Leonora (Anja Harteros), la dame d’honneur de la princesse d’Aragnon. Le Comte jaloux fera arrêter Manrico un soir de sérénade au clair de lune et ce sera le début des hostilités de la deuxième génération. Et ce ne sont que les premières minutes du drame !

On assiste alors à une succession d’épisodes aussi douloureux que déchirants où honneur, vengeance et amour tragique conduiront à la perte des protagonistes. Verdi compose une partition brillantissime portée par la puissance des sentiments et des situations. Chaque interprète est sous la pression constante de l’exigence dramatique et de l’écriture musicale intense. 


Morceaux choisis
La beauté du chant est portée par ces plus belles voix actuelles dans des enchaînements ininterrompus de passions extrêmes.


Manrico est tiraillé entre ses sentiments pour Leonora et son amour filial. Une double personnalité que Jonas Kaufmann traduit par deux styles de chant et une palette de nuances et d’émotions. 
Jeune amoureux ardent et désespéré dans "Ah si ben mio" avec la magie du timbre caressant qui traverse le corps jusqu'au cœur. 
"Ah si ben mio" ("Ô toi on seul espoir") - Manrico (acte III)

Immédiatement suivi par le morceau de bravoure du ténor "Di quella pira", l’air du fils qui vole au secours de sa mère, puissant et héroïque. Mais avec l'accord de la production, le prudent ténor allemand a descendu d'un demi-ton en Si bécarre les mythiques contre-ut, le soir de la Première. Il les réserve pour la suite et précise dans une interview (*) qu'ils sont déjà enregistrés sur "The Verdi Album"
"Di quella pira" ("De ce bûcher") - Manrico (acte III)

"D'amor sull'ali rosee", la sensibilité frémissante et le pianissimo aérien d’Anja Harteros illuminent ce somptueux aria. Sans doute le plus beau de l’opéra et un pur moment de grâce qui arrache quelques larmes.
"D'amor sull'ali rosee" ("Sur les ailes rosées de l'amour" - Leonora (acte IV)



Manrico a été fait prisonnier. Alors que le Miserere résonne dans la chapelle, Leonora l’entend qui lui adresse ses adieux du haut de la tour et elle jure de le sauver.  "Miserere" Leonora, Manrico et choeur (acte IV)

L’ultime duo et le final sont d’une intensité inouïe : Leonora a choisi de mourir tout en abusant le Comte de la Luna qui fait immédiatement exécuter Manrico. Azucena lui révèle enfin qu’il vient ainsi de tuer son propre frère.
Ultime duo et final du Trouvère

(*) Interview Associated Press du 30 juin 2013

PS : Je n'évoquerai pas la mise en scène d'Olivier Py avant la diffusion streaming du 5 juillet


IL TROVATORE - Giuseppe Verdi
Chœur et Orchestre du Bayerische Staatsoper - Direction musicale Paolo Carignani – Mise en scène Olivier Py.
Avec Jonas Kaufmann (Manrico), Anja Harteros (Leonora), Alexey Markov (Conte de la  Luna), Elena Manistina (Azucena), Kwangchul Youn (Ferrando), Golda Schultz (Ines), Francesco Petrozzi (Ruiz)
Images de Wilfried Hösl - Bayrische Staatsoper



3 commentaires:

  1. UN PUR MOMENT DE BONHEUR.MERCI POUR CETTE ANALYSE.

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  2. Bonjour;
    Ou puis-je acheter le DVD de ce Trouvere mis en scene par Olivier Py?
    Merci
    Hervé

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    1. La représentation est trop récente pour être déjà disponible en DVD. Mais, comme elle a été filmée, on peut l'espérer un jour.
      En attendant, vous pouvez visionner la diffusion Web du 5 juillet dernier sur YouTube (je ne sais pas pour combien temps encore !)
      Cordialement

      Lien : http://www.youtube.com/watch?v=-_xNP9vSoCw

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