Jonas Kaufmann incarne Lohengrin à Bastille

Lohengrin descendu du ciel

Jonas Kaufmann, Lohengrin D.R.
16 février 2017 : Jonas Kaufmann est décidément le meilleur Lohengrin actuel. Le ténor aimé des dieux et des mélomanes revenait sur scène en janvier après cinq mois d’absence et d’émois intimes cachés derrière le sourire. Une croisade dans le silence d’une des plus belles voix du monde. Puis la cicatrisation tant attendue d’un micro-vaisseau le ramène à Paris.

Un retour dans un rôle qu’il affectionne particulièrement "J'aime Lohengrin, surtout dans cette configuration avec Claus Guth et Philippe Jordan" confessait-il récemment. 
Répertoire exigeant où le ténor distille ce timbre unique, ces envolées ardentes et ce pianissimo élégiaque culminant dans son récit du Graal d'anthologie. Jonas Kaufmann possède ce pouvoir magique de nous enfermer dans une bulle temporelle alors que la musique semble l’engloutir corps et âme.

Lohengrin fait son apparition frissonnant sur le sol, quelques plumes de cygne voltigeant dans l’air. Ni fièvre ni frissons. Dans cette production de Claus Guth, ce sont les tressaillements d’un Lohengrin tombé du ciel, fragile et apeuré, bien loin du chevalier venu libérer les hommes imaginé par Wagner.

Dans "Mein lieber Schwan !" corps recroquevillé frémissant, ou encore pieds nus et dans la nudité de l’âme, déroulant sa ligne musicale sans jamais gonfler l’émotion dans son récit du Graal. Il lui faut trouver la couleur de voix, l’inspiration de la nuance, la sublime attaque piano avant l’envolée dans l’aigu, ou le juste frémissement du corps. Et à ce jeu-là, Jonas Kaufmann est prodigieux.

Autour de lui, des interprètes remarquables : le velours et la noble autorité de René Pape en Roi Heinrich, la noirceur et le chant percutant de Tomasz Konieczny (Telramund), les moyens imposants d’Evelyn Herlitzius (Ortrud). Edith Haller (Elsa) remplaçait Martina Serafin souffrante en dernière minute. Trac de sa première ou méforme, elle semblait en difficulté par moment (réconfortée par Jonas aux saluts !). 
 
Dans la fosse, Philippe Jordan fait scintiller l’orchestre. Ovation méritée du Directeur musical des lieux. Dès le prélude, la fascination s’installe avec ce fini orchestral tout en subtilité, alternant éclats majestueux et moments de lyrisme divins. Dans la pénombre, on perçoit l’élégance du geste adressé aux musiciens et l’attention aux artistes pour libérer le meilleur d’eux-mêmes. Triomphe partagé avec les Chœurs de l’Opéra de Paris brillantissimes qui nous ont fait frissonner plus d’une fois. 

Comme à Milan en 2012, la magie de cette production opère pendant près de 5 heures et le public frissonne de l’émotion des grands soirs dans l’immensité du paquebot parisien. Interprètes d’exception, émerveillement scénique, lumières et clairs obscurs dignes d’une toile de maître, lyrisme superbe. Un très grand moment d'opéra, inoubliable.

Lohengrin de Wagner, Opéra Bastille, 24 janvier 2017
De g. à dte : Tomasz Konieczny, Edith Haller, Jonas Kaufmann, 
Philippe Jordan, Evelyn Herlitzius et René Pape.
© Espace Lyrique


Photographies © Monika Rittershaus / Opéra National de Paris

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